Actualités

Décision G 1/19 : la brevetabilité des simulations mises en œuvre par ordinateur

Dans la décision G 1/19, la Grande chambre de recours de l’Office européen des brevets répond aux questions posées par la chambre de recours dans le cas T 0489/14.

L’approche de la Grande chambre de recours sur la brevetabilité des méthodes de simulation s’éloigne quelque peu de la jurisprudence antérieure. Il ne suffit plus de se référer au caractère technique du système ou du procédé simulé pour obtenir un brevet, ce qui peut sembler désavantageux pour le déposant. Cependant, la Grande chambre de recours a défini quelques critères objectifs qui pourront aider le déposant à protéger ses méthodes de simulation. De plus, la reconnaissance de la nature possiblement technique d’une méthode de simulation d’un système non technique, permet à ce type d’invention d’accéder à la protection par brevet. Le caractère brevetable des inventions mises en œuvre par ordinateur est renforcé.

 

La Grande chambre de recours de l’OEB répond de la manière suivante aux questions posées par la chambre de recours dans le cas T 0489/14 :

  1. Dans l’évaluation de l’activité inventive, une simulation mise en œuvre par ordinateur d’un système ou d’un procédé technique peut-elle résoudre un problème technique en produisant un effet technique allant au-delà de l’implémentation de la simulation dans l’ordinateur, si la simulation mise en œuvre par ordinateur est revendiquée en tant que telle ?
  • Oui.
  1. [2A] Si la réponse à la première question est « oui », quels sont les critères pertinents pour évaluer si une simulation mise en œuvre par ordinateur et revendiquée en tant que telle résout un problème technique ?
  • Question non admise.

 [2B] En particulier, est-ce une condition suffisante que la simulation soit basée, au moins partiellement, sur des principes techniques qui sous-tendent le système ou le procédé  simulé ?

  • Non.
  1. Quelles sont les réponses aux questions précédentes si la simulation mise en œuvre par ordinateur est revendiquée comme partie d’un procédé de conception, en particulier pour vérifier un design ?
  • Les réponses sont les mêmes.

La Grande chambre de recours ne s’est bien évidemment pas contentée de ces réponses lapidaires, mais s’est positionnée de manière assez précise sur les critères de brevetabilité des méthodes de simulation.

La Grande chambre de recours réaffirme, pour évaluer la brevetabilité d’une invention mise en œuvre par ordinateur, la pertinence du test appelé « two-hurdle approach » qui utilise les critères de l’approche COMVIK et qui nécessite non pas deux mais trois étapes :

  • 1ère étape : déterminer si l’objet de la revendication est bien une invention au sens de l’article 52(1) CBE ;
  • étape intermédiaire : sélectionner les caractéristiques qui contribuent au caractère technique de l’invention (et qui peuvent inclure des caractéristiques qui, lorsqu’elles sont considérées isolément, ne sont pas techniques) ;
  • 2ème étape : utiliser, parmi les caractéristiques sélectionnées ci-dessus, celles qui ne sont pas divulguées par l’état de la technique le plus proche pour déterminer si l’objet de la revendication implique bien une activité inventive.

Les méthodes de simulation font bien sûr partie des inventions mises en œuvre par ordinateur, et le test ci-dessus leur est applicable. Pour franchir le premier obstacle, il suffit de préciser dans la revendication que la méthode de simulation est mise en œuvre ou assistée par ordinateur (ou toute autre formule équivalente).

Cependant, une méthode de simulation n’est pas uniquement un programme informatique mais est étroitement liée, via un modèle numérique, au système ou au procédé simulé (technique ou non technique).

La Grande chambre de recours considère qu’une méthode de simulation mise en œuvre par ordinateur est définie par les éléments principaux suivants :

  • un modèle numérique d’un système ou d’un procédé, sous la forme de données exploitables par un ordinateur ;
  • des équations qui représentent le comportement du modèle ;
  • des algorithmes qui fournissent une sortie numérique représentant l’état calculé du système ou du procédé modélisé.

Une méthode de simulation est donc un objet bien particulier, qui n’est ni tout à fait une  méthode mathématique ni tout à fait un programme d’ordinateur et pour lequel l’appréciation de la brevetabilité requiert une attention particulière. Un chapitre des Directives est d’ailleurs consacré depuis 2018 aux méthodes de simulation, conception ou modélisation.

La jurisprudence antérieure

Parmi les décisions qui précèdent la G 1/19, la décision T 1227/05 est incontestablement la plus commentée et la plus citée.

La revendication 1, dont il est question dans cette affaire, vise à protéger un « procédé assisté par ordinateur pour la simulation numérique d'un circuit avec une largeur de pas δ, soumis à un bruit 1/f », et comprend principalement, outre une rapide description du circuit et du modèle, des caractéristiques mathématiques (c’est-à-dire non techniques en elles-mêmes).

Dans cette décision, la chambre de recours considère dans le passage relatif à l’étude du caractère technique de l’invention que « la simulation d'un circuit soumis à un bruit 1/f constitue un objectif suffisamment défini d'un procédé assisté par ordinateur, dans la mesure où le procédé se limite fonctionnellement à l'objectif technique ». 

La chambre déclare aussi, dans l’appréciation de l’activité inventive, qu’elle est persuadée que  « toutes les caractéristiques se rapportant à la simulation du circuit, y compris les étapes exprimées par des formules, contribuent au caractère technique du procédé de simulation ».

Ainsi, selon cette décision, la limitation fonctionnelle du procédé à la simulation d’un circuit (ou autre système technique) permet d’obtenir une invention brevetable au sens de l’article 52 CBE. Les caractéristiques mathématiques, et donc non techniques en elles-mêmes mais se rapportant à la simulation, peuvent par ailleurs être prises en compte pour évaluer l’activité inventive.

Dans la décision T 625/11, bien que l’absence d’application technique concrète du paramètre de fonctionnement nucléaire ait été constatée dans la revendication 1, la chambre reconnaît la pertinence de l’analyse développée dans l’affaire T 1227/05, et déclare que la nature du paramètre confère un caractère technique à l’invention revendiquée.

Dans les décisions T 531/09 et T 1265/09, il est constaté que le système simulé n’est pas technique, ce qui conduit les chambres à conclure, sans remettre en cause la décision T 1227/05, que l’objet de la revendication 1 n’implique pas d’activité inventive.

La brevetabilité des simulations selon G 1/19

Selon la décision G 1/19, les décisions qui viennent d’être évoquées soulèvent au moins deux difficultés :

  • rejeter systématiquement une méthode de simulation d’un système non technique revient à occulter a priori le caractère éventuellement technique de la simulation elle-même ;
  • considérer qu’une méthode de simulation est technique uniquement parce que le système simulé est technique revient à privilégier, sans base légale, les méthodes de simulation par rapport aux autres procédés mis en œuvre par ordinateur.

Ces difficultés ont conduit la Grande chambre de recours à répondre par la négative à la question 2B.

La Grande chambre de recours indique que, suivant l’approche COMVIK, il est possible d’envisager de breveter une méthode de simulation d’un système (ou d’un procédé) non technique : le critère pertinent n’est pas que le système simulé soit technique, mais plutôt que la simulation dudit système contribue à la solution d’un problème technique. Toutes les considérations techniques doivent se rapporter à la méthode de simulation elle-même et non au système simulé.

Le fait que l’homme du métier, dans le domaine du système simulé, soit une personne techniquement qualifiée, ou bien que la simulation permette d’éviter de fabriquer des prototypes, ne constituent pas des critères pertinents pour évaluer le caractère technique de l’invention.

La Grande chambre de recours indique que les étapes d’apparence non technique, par exemple algorithmiques ou mathématiques, et notamment celles qui sous-tendent le système simulé, peuvent contribuer au caractère technique si leur mise en œuvre produit des effets sur le fonctionnement de l’ordinateur ou du réseau informatique dans lequel la simulation est mise en œuvre : réduction du temps de traitement, baisse de la consommation électrique, etc. Il est préférable que ces effets figurent dans les revendications.

Selon la Grande chambre de recours, les résultats d’une simulation peuvent contribuer au caractère technique de la simulation s’ils sont utilisés pour une application technique ; cette application technique doit alors être au moins implicitement spécifiée dans la revendication.

L’amélioration des performances de la simulation elle-même, et notamment de la précision de la simulation, peut aussi contribuer au caractère technique de la revendication.

Thomas LAVAUD

Les ingénieurs brevets du Cabinet Boettcher sont à votre disposition pour aider à protéger vos inventions mises en œuvre par ordinateur. Cliquez ici !

Notre équipe est à votre écoute. N'hésitez pas à nous contacter ou à nous adresser un message.

Paramétrages de cookies

×

Cookies fonctionnels

Ce site utilise des cookies pour assurer son bon fonctionnement et ne peuvent pas être désactivés de nos systèmes. Nous ne les utilisons pas à des fins publicitaires. Si ces cookies sont bloqués, certaines parties du site ne pourront pas fonctionner.

Contenus interactifs

Ce site utilise des composants tiers, tels que ReCAPTCHA, Google Maps, MailChimp ou Calameo, qui peuvent déposer des cookies sur votre machine. Si vous décider de bloquer un composant, le contenu ne s’affichera pas

Réseaux sociaux/Vidéos

Des plug-ins de réseaux sociaux et de vidéos, qui exploitent des cookies, sont présents sur ce site web. Ils permettent d’améliorer la convivialité et la promotion du site grâce à différentes interactions sociales.

Session

Veuillez vous connecter pour voir vos activités!

Autres cookies

Ce site web utilise un certain nombre de cookies pour gérer, par exemple, les sessions utilisateurs.